Dr Serban Ardeleanu : « Promouvoir l’expérience réunionnaise dans la prise en charge des maladies rénales »

À l’occasion de la Semaine nationale du rein, entretien avec le Docteur Serban Ardeleanu, néphrologue et président du Comité scientifique de l’Aurar.

La maladie rénale chronique concerne près de 2 500 personnes à la Réunion, entre 5 et 7 millions en France. Comment diagnostique-t-on cette pathologie ? 

La maladie rénale chronique (MRC) est une maladie insidieuse, avec une symptomatologie plutôt silencieuse, surtout dans les premiers stades. Près de 10% de la population est atteinte d’une affection des reins, souvent en liaison avec des maladies cardiovasculaires, métaboliques ou génétiques. Le diagnostic se pose lors d’une prise de sang et examen d’urine, qui peuvent déceler des anomalies, en fonction desquelles on peut établir le stade de la MRC qui va de 1 à 5. Une mesure très parlante est le Débit de la Filtration Glomérulaire (DFG) qui va d’environ 100 ml/min pour une personne saine jusqu’à des valeurs très basses de 10-15 ml/min quand on doit réfléchir à instaurer une thérapie d’épuration rénale, la dialyse.

Comment agir au quotidien pour préserver ses reins ? 

Les maladies rénales peuvent avoir une origine soit primaire (affection intra rénale d’emblée) soit secondaires à d’autres maladies systémiques, comme les maladies cardiovasculaires, le diabète, les maladies auto-immunes ou génétiques. Certaines de ces affections ont un impact plus ou moins rapide sur les reins, donc stabiliser les facteurs de risque (bien contrôler son HTA, bien équilibrer son diabète ou maintenir le contrôle d’une maladie auto-immune) peut retarder, voire éloigner totalement le risque de développement d’une maladie rénale. 

Soigner correctement une infection urinaire et prévenir les récidives permet également de préserver sa fonction rénale. Une bonne hydratation, surtout dans les périodes de fortes chaleurs, est essentielle, car le rein subit de plein fouet la baisse du débit sanguin due à une mauvaise hydratation (c’est un des organes le plus irrigué de sang, cca 25% du débit total qui passe par le rein). Une insuffisance rénale aiguë (maladie rénale instaurée brusquement et avec évolution rapide) peut se transformer en MRC si pas soignée correctement et de manière définitive.

On parle d’une maladie silencieuse, insidieuse. Quels sont les signes qui doivent alerter ? 

En général, et cela ça qui fait la difficulté parfois de diagnostic d’une maladie rénale, la symptomatologie est extrêmement faible, surtout dans les premiers stades. On parle de symptômes non spécifiques qui s’installent progressivement et qui n’alertent parfois que trop tard, quand le stade est avancé. On peut ressentir une fatigue (asthénie) inhabituelle, avec parfois des nausées ou vomissements ; sinon, la présence d’œdèmes des membres inférieurs ou une respiration trop courte et difficile (dyspnée), ainsi qu’un mauvais contrôle de ses valeurs tensionnelles. L’urine peut changer parfois d’aspect, avec une coloration différente (rouge quand il y a du sang dans les urines, ou très pâle quand c’est trop dilué) ou de la mousse lors de la miction qui témoigne de la présence des protéines dans l’urine). Dans les stades avancés, la peau peut aussi changer d’aspect, en devenant plus terne, plus pâle ; avec la présence des démangeaisons, causée par l’accumulation des produits toxiques. La diurèse peut subir des modifications également avec une diminution importante du débit et du volume quotidien. 

Vous présidez le Comité scientifique de l’Aurar. Quels sont les objectifs de cette instance ?  

Le comité scientifique de l’Aurar souhaite d’abord réunir les néphrologues et les médecins d’autres spécialités rapprochées (cardiologues, endocrinologues, nutritionnistes) autour de sujets d’intérêt commun, pour pouvoir disséminer et promouvoir, lors des réunions scientifiques nationales et internationales, notre expérience réunionnaise dans la prise en charge des maladies rénales et de nutrition, un premier objectif étant de présenter des travaux scientifiques concernant notre population. On souhaite aussi débattre sur des sujets médicaux d’actualité, de revoir la littérature scientifique sur un thème précis, pour pouvoir adapter nos protocoles de soins et améliorer la prise en charge des patients. L’extrême diversité génétique de notre population permet de réaliser d’études génétiques également, pour expliquer la forte prévalence du diabète par exemple sur notre île. N’oublions pas le concept de « Dialyse verte », très actuel, qu’on souhaite mettre en avant pour améliorer l’impact de la dialyse (procédure énergivore et consommatrice de ressources) sur notre environnement.

Quelles actions sont mises en œuvre par ce Comité ? 

À l’Aurar, outre soigner les patients qui ont atteint déjà le stade 5 de la MRC et qui doivent dialyser, on met beaucoup l’accent sur la prévention des maladies rénales. Par différentes actions, comme des caravanes de dépistage des maladies qui peuvent avoir un impact sur les reins (HTA, obésité, diabète), des actions de sensibilisation de la population de contrôler régulièrement la fonction rénale ainsi que les facteurs de risque associés, de mettre l’accent sur le sport-santé, un concept qui fait de plus en plus d’adeptes et qui a prouvé ses bénéfices. Pour cette année 2025, l’initiation de l’activité physique adaptée des patients dialysés sera au cœur de l’activité de ce comité, en liaison avec des centres de néphrologie du monde entier. On apprend ce que font les autres, et à notre tour, on va disséminer notre expérience dans d’autres pays et territoires, pour devenir un acteur régional d’importance majeure dans le soin des maladies rénales et de nutrition.