Grossesse et insuffisance rénale
Au bonheur des mamans
INTERVIEW DU DOCTEUR BRUNO BOURGEON
« Le meilleur cas de figure, c’est après la greffe »
Le Docteur Bruno Bourgeon a dirigé une thèse* sur le thème grossesse et insuffisance rénale. Il évoque l’évolution des techniques qui ont permis d’améliorer le pronostic chez les patientes enceintes.
Docteur Bourgeon, peut-on concilier grossesse et dialyse ?
Tout à fait. Pendant longtemps, ce fut un mauvais pronostic. Mais depuis 20-25 ans, ça s’est bien amélioré. Les néphrologues ont appris à manager les grossesses en dialyse, par la dialyse quotidienne, avec de l’aspirine pour éviter la thrombose de l’artère utérine, avec du fer et de la vitamine B9 pour éviter l’anémie. Une grossesse en dialyse trois fois par semaine, c’est environ 70% d’échec. Une grossesse en dialyse quotidienne, c’est 50% à 70% de succès. Disons qu’au stade de dialyse ou de greffe, c’est moins embêtant qu’à l’état d’insuffisance rénale. Le meilleur cas de figure, pour limiter les risques, ça reste les grossesses en greffe. A la fois pour préserver la fonction rénale de la maman et la bonne santé de l’enfant. Idéalement, il faudrait attendre un an après la greffe pour pouvoir être enceinte.
Une femme enceinte atteinte d’IRC doit-elle suivre un traitement adapté ?
La cause de la maladie rénale est un facteur déterminant. Un lupus, par exemple, va favoriser la maladie rénale. La patiente, dans ce cas, devra suivre un traitement à base de corticoïde pour éviter la poussée du lupus. Si c’est une maladie rénale standard, la grossesse, idéalement, doit se faire sans à coup tensionnel ni grande variation de poids. Autrement dit, la patiente doit prendre du poids de façon régulière pendant sa grossesse. Je recommande à mes patientes une moyenne DE 500 grammes tous les 15 jours, soit neuf kilos en fin de grossesse. Moyennant quoi, on aura moins d’inflation hydro-sodée, à l’origine de l’inflation la plus importante qui s’appelle le poly-hydramnios. Ça veut dire trop d’eau dans la cavité amniotique, et donc un bébé sous pression qui risque de mourir.
Quid des grossesses chez les patientes IRC qui ne sont ni dialysées ni transplantées ?
Dans ce cas, le risque est majeur d’un échec de conception, soit par avortement, soit par grande prématurité et/ou éclampsie. Pour la mère, le risque est l’aggravation de l’insuffisance rénale : il faut imaginer que l’état d’hyperhydratation consécutif à l’état de grossesse est une véritable épreuve pour la fonction rénale, une sorte de marathon. Aussi, si la fonction rénale est perturbée dès le départ, le handicap est certain. Enfin, l’état de grossesse ne dispense pas la pratique de certains outils diagnostiques comme la biopsie rénale si elle s’avérait nécessaire au diagnostic et au management de la maladie rénale.
Lorsque les grossesses vont à leur terme, y a-t-il un risque de complication pour l’enfant ?
En dehors du poly-hydramnios, la seule et principale complication reste la prématurité. Pour le reste, il n’y a pas davantage de complications que pour « une grossesse normale ». Naturellement, cela impose un suivi médical régulier et une surveillance stricte.
Avez-vous un souvenir particulier d’un suivi de grossesse en dialyse ?
J’ai connu une patiente dont l’enfant est né à 37 semaines, le même jour que sa maman… et le même jour que mon fils et ma sœur ! Je suis devenu le parrain de l’enfant. Cette patiente avait été greffée deux fois. Elle a été la première patiente réunionnaise en hémodialyse quotidienne à domicile.
*En 2001, une trentaine de patientes, greffées ou dialysées, ont été suivies dans le cadre d’une thèse universitaire réalisée par Nathalie Mourot-Boyon.
En dialyse péritonéale, le Docteur Ali Aizel indique que la poursuite des soins est tout à fait possible, sans problème, jusqu’à la fin du 1er trimestre. « A partir du 4ème mois, nous préconisons aux patientes un passage en hémodialyse quotidienne ». Passé ce délai, les soins et les recommandations hygiéno-diététiques ne changent pas par rapport à ce qui est préconisé lors d’une grossesse en hémodialyse conventionnelle.